Philippe Cuper

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L'interview avec Philippe Cuper a eu lieu à Lucerne, le 28 août 2017, réalisé par Heinrich Mätzener.

Canon didactique

La technique en combinaison avec des morceaux HM : Quand tu étais étudiant, on te faisait travailler beaucoup les gammes, du solfège ?

PC : Oui, j’en ai fait beaucoup, surtout au début quand j'étais étudiant. Mon premier professeur m'en faisait faire, mais ce n'était pas le but, c'était pas la technique pour la technique. On en faisait, mais toujours avec les morceaux. Après je suis arrivé à Paris j'ai travaillé pendant 6 mois avec Ulysse Delecluse et c'était pas du tout l'école que j'avais appris, et ça ne s’est pas bien passé. Mais il exigeait beaucoup, par exemple un demi cahier d'études par cœur, en une semaine. Tu dois travailler beaucoup beaucoup, il était très, très exigeant. J’avais 17 ans, il y a eu un clash et donc je ne suis pas rentré au conservatoire dans sa classe et je ne me suis pas représenté.

La discipline et l’honnêteté

HM : Mais n’y avait-il rien de positif ? La discipline : ça, c'était bien pour après, parce que tu vois travailler des gens, ils n'ont pas cette discipline. Par ce qu’ils n'ont pas assez fait ce travail. Ça chez Delécluse, c'était sa force, et il avait quand même obtenu un niveau d'élèves. Certains craquaient et le côté humain, ça n’était pas facile. Cette discipline et cette honnêteté par rapport à la difficulté du métier, ça, c'était positif. Parce qu'il faut être honnête avec les élèves, après ce n’est pas facile. Quand tu sors d'un village - il n'y a que les plus forts du village qui sortent de partout ! Donc il faut être préparé. Et il n'y a pas de secrets : il faut travailler ! Ça, c'est ce que j'ai retenu.

HM : Exiges-tu la même chose de tes étudiants ?

CP : Je leur demande, après je ne suis pas leur père : je le leur dis, s'ils ne veulent pas, je ne vais pas taper dessus, mais je suis honnête. Je leur dis : voulez-vous un job après ? C'est maintenant : je leur dis de travailler maintenant, ce n’est pas après. Vous aurez moins de temps. Ce n’est pas mon problème après.

Icones françaises de la clarinette

HM : Est-ce que Ulysse Delécluse représentait l’école française de clarinette ?

PC : Plutôt que de parler d'école, moi je parlerais d'icônes. Il y a eu des grands clarinettistes et ce sont eux qui ont servi de modèles. En France aussi. Il y a eu des modèles, qui ont fait ces écoles, et il y en a plusieurs. Mais en Suisse vous avez des styles très différents. Quand tu écoutes Bernard Belley ou Robert Gugolz [1]à Genève ou quand tu écoutais Hans Rudolf Stalder [2], Thomas Friedli [https://www.youtube.com/watch?v=xCwj_nAB3xI Thomas Friedli ou Rolf Kubli, Ils jouaient tous très différemment ! Mais vous avez beaucoup de Français en Suisse, Capelle, à Genève, Robert Kemblinsky [3] à Lausanne, Léon Ruckstuhl à la Suisse Romande. Il jouait bien ce monsieur ! Les autres Français en Suisse étaient Paul Lamaze à l'orchestre de Bâle et Georges Coutelen à l'orchestre de Winterthur. Ferdinand Capelle (prof. de Daniel Bonade) à l'orchestre du Grand Théâtre de Genève et au conservatoire, Léon Hoogstoel à la Suisse romande .
Citons aussi les prix français au Concours international de Genève comme Henri Druart (1er Prix 1947) et Gilbert Voisin (2ème prix en 1950 ) qui ont été tous les deux mes professeurs. Aussi Norbert Bourdon et Edmond Boulanger (1ers Prix aussi au concours) et quelques autres. Un excellent allemand jouait à l'orchestre de Bâle Peter Rieckof (1er Prix du concours international de Genève en 1960 je crois) avant d'être professeur à la Hochschule de Berlin.

2h de gammes tous les jours, 6 mois, un an

Je travaillais avec Guy Danguin, il me préparait pour l’examen d’admission au conservatoire. Il enseigne à l'École Normale, une école privée à Paris. C'est un excellent professeur aussi. Il travaille énormément sur la technique. Moi il m'a obligé à travailler mes gammes beaucoup plus. 2h de gammes tous les jours, 6 mois, un an. J'ai suivi son conseil et j'ai fait beaucoup de progrès.

HM : Et il faisait jouer les gammes dans la leçon ?

PC : Oui. Alors chaque professeur a ses méthodes Mais sa méthode à lui marchait aussi. HM : Fais-tu pareil, ou t'adaptes-tu aux caractères des étudiants ?

PC : Oui. Mais je les mets devant la réalité. Regarde, si tu trouves un job après. De toutes façons il y aura une sélection naturelle qui va s'opérer. Le talent ça sert à rien, si tu ne travailles pas. Et puis, on n’est pas égaux devant le travail. Certains ont besoins de 2h d'autres de 6h.

La variété dans la pédagogie

HM : Il y a des collègues qui savent exactement ce qu'ils veulent entendre de l’étudiant. Par exemple : Le staccato doit sonner comme ça, alors il faut le produire de telle manière. La même chose peut se dire pour la respiration, pour tous les paramètres techniques et musicaux.

PC : Quelquefois ce que tu veux ne marche pas. Alors oui, il y en a beaucoup de différentes manières d'arriver au but ! Chaque Professeur a sa marque de fabrique, comme on dit. Mais si quelqu'un voit ça sur une vidéo, il peut dire. « Mais non, pourquoi il dit ça, moi cela ne marche pas du tout ». Donc, c'est difficile de faire des cours et d'avoir une vérité définitive.
Dans la pédagogie il faut la variété ; il y a des différences. Par ex. j’ai eu quatre professeurs, pas en même temps. Je trouve démentiel les gens qui ont beaucoup de profs en même temps. D'abord j'ai eu un professeur quelques temps qui m'a ensuite dit : va voir Jacques Lancelot l'été. Là-bas j'ai entendu autre chose. Après je suis allé voir Guy Danguin, qui m'a dit aussi certaines choses, après je suis rentré au conservatoire chez Guy Deplus, il m'a appris autre chose. Il me parlait du même problème, mais il mettait la lumière autrement. Et j'ai appris beaucoup comme ça.
Après le conservatoire, je demandai Guy Deplus s'il pouvait encore me donner des cours, parce que je n'avais travaillé que deux ans avec lui au conservatoire, c'était trop court. Il me dit : mais je n'ai pas le temps ! Je suis allé voir Henri Druart. Il était clarinette solo a l'orchestre de Paris. Il a failli être professeur au conservatoire de Paris. C'était entre lui et Guy Deplus. Il était un excellent professeur ! Il avait eu le premier prix au concours international de Genève, 1947.

Respiration

Inspiration par des instruments d’époque

HM : Pour la respiration il y de différentes idées. Il y en a qui disent : souffle fort, aussi fort que tu peux ! Je pense souvent le contraire, je pense qu'il ne faut presque pas souffler, surtout quand on s’oriente aux jeux des instruments d’époque.

PC : Les instruments anciens c'est vrai que quand on les souffle, 3 clés ou 5 clés, ça ne marche pas. HM : L’intonation est difficile à contrôler, ça monte si on pousse trop fort ! En plus on est obligé de jouer des anches très légères pour obtenir une résonnance dans les notes avec des doigtées fourche.

PC : C'est intéressant de travailler sur ces instruments-là, parce que cela nous inspire sur ce qu'on pourrait faire, quand on travaille avec les instruments modernes, cela aide à comprendre certains phrasés, pourquoi on ferait cela. C'est vraiment une source d'inspiration. Mais sur les instruments modernes, on peut reproduire ça, on peut jouer moins fort, jouer sur les timbres etc... On peut reproduire plus facilement mais c'est plus juste. Si les instruments on fait des progrès, il y avait une raison, c'est que les musiciens n'étaient pas contents de leurs instruments. Sinon on n’aurait pas changé comme ça. On oublie souvent de dire ça.

Embouchure

Quelques références historiques

HM : Pour discuter la technique de l’emboucher, il est riche d'enseignements à suivre l’histoire de la clarinette. Le premier concerto pour clarinette a été probablement composé par Johann Stamitz , et était peut-être crée à Paris ?

PC : Johann Stamitz dirigeait l’orchestre de La Pouplinière 1754/55 à Paris. Pendant cette année, Simon Flieger et Gaspard Proksch , clarinettistes Allemands, jouaient dans cette ensemble et étaient ami avec Johann Stamitz. Et peut-être que c'est Gaspar Proksch qui a donné la première fois le concerto en si-bémol de Johann Stamitz. Comme à l'orchestre de Mannheim il n'y avait pas de clarinette avant 1758, que c'est à Paris qu’il a écrit son concerto. Ce sont des suppositions ; nous n'avons pas de preuves (Rice 2011, p 79) .

HM : Johann Joseph Beer , , venu de Bohême, s'intégra dans le groupe des virtuoses de clarinette à Paris. Le fils de Johann Stamitz, Carl, vivait de 1770 à 1779 à Paris et à Versailles. Son premier concerto en Fa (pour clarinette en do) a été joué dans un 1771 par Joseph Beer (voir Erich Hoeprich 2008, p. 81). Dans les années qui suivaient, entre 1777 et 1782, Stamitz a publié six concertos pour clarinette à Paris chez Sieber. D’après les méthodes de clarinettes et d’après des recherches iconographiques toutes les clarinettistes (même en Allemagne) jouaient jusqu’à la fin du 18ème siècle avec double embouchure . L’anche était fixée au-dessus du bec, et les dents supérieures devaient être couverts par les lèvres.

  1. Documentation Radio Télévision Suisse. [1]
  2. Alessandro Rolla (1757-1841): Konzert in F-dur für Bassetthorn und Orchester. Stadler, Müller Brühl
  3. Documentation Radio Télévision Suisse [2]