Frédéric Rapin: Unterschied zwischen den Versionen

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=== Différentes voyelles formées par la langue ===
=== Différentes voyelles formées par la langue ===
Il y a quelque chose d’un peu paradoxal : il faut que la gorge soit ouverte, avec la langue un peu rétractée, et en même temps la langue va devoir travailler, avec son extrémité, à la pointe de l'anche. L'écoute critique du son va aider à positionner la langue correctement.  
Il y a quelque chose d’un peu paradoxal : il faut que la gorge soit ouverte, avec la langue un peu rétractée, et en même temps la langue va devoir travailler, avec son extrémité, à la pointe de l'anche. L'écoute critique du son va aider à positionner la langue correctement.  
‘‘‘HM :’’’: ``On pourrait dire : la langue se positionne et se forme dans un mélange de voyelles``
‘‘‘HM :’’’: ''On pourrait dire : la langue se positionne et se forme dans un mélange de voyelles''
‘‘‘FR :’’’  : On pourrait dire un mélange entre O et U, le voile du palais se rétractant un peu, en même temps, vers l’arrière et vers le haut, comme chez les chanteurs.
‘‘‘FR :’’’  : On pourrait dire un mélange entre O et U, le voile du palais se rétractant un peu, en même temps, vers l’arrière et vers le haut, comme chez les chanteurs.
[[Kategorie:Français|Frédéric Rapin]]
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=== …indépendant de l’embouchure ===  
=== …indépendant de l’embouchure ===  

Version vom 29. Juni 2018, 18:57 Uhr

Prof. Frédéric Rapin [1] dirige une classe de virtuosité à la hemu Lausanne [2] et à l'académie d'été de Bienne.

Canon didactique

HM : Est-ce que dans tes cours tu demandes chaque semaine un parcours de technique et d‘études, selon les capacités de l‘élève ? Et seulement après ce travail, on passe à la littérature et aux questions d’interprétation ? Ou penses-tu que c‘est mieux de se concentrer au début sur le travail musical des morceaux, et de rajouter les exercices pour la technique selon les besoins de la littérature ?

D’abord la motivation

‘‘‘FR :’’’  : Évidemment Il est important d’avoir une solide base technique. Je fais ici une parenthèse avec le cas des débutants, durant les premiers temps d’étude : pour moi, cela va dépendre un peu du profil de l’élève. Je pense qu’il faut s'adapter un minimum à la situation, et là je fais référence à quelque chose que j'ai vécu personnellement quand j'étais tout jeune : j'ai commencé la clarinette après avoir fait du piano, je travaillais moyennement, je n'étais pas un super travailleur, et puis j'ai reçu pour mon anniversaire deux disques de Lancelot qui jouait Mozart et Weber. J'ai écouté, ça m'a plu et je me suis dit : j'aimerais arriver à jouer comme sur les disques ! C'est l'écoute des disques qui a boosté mon travail, en fait. J'avais hâte de progresser et mon professeur, Claude Trifoni, excellent pédagogue, a réagi en me donnant plus à faire, en me proposant des pièces assez difficiles à travailler, parce que tout d'un coup j'ai eu une motivation aiguisée par l'écoute de ces disques. Et je me suis passionné pour l’instrument. Donc je suis parti de là, sans avoir une technique avancée, mais il y a eu un déclic important, et on m'a fait faire les exercices adéquats qui m’ont fait progresser très rapidement.

Travailler la technique, mais s’adapter à l’étudiant

‘‘‘HM :’’’: Guy Deplus demandait à tous et pour tous les niveaux de travailler chaque semaine les gammes, accords, tierces d’une tonalité choisie. J’ai essayé d’adapter ce système et je demande à tous, aussi aux étudiants avancés, un circuit d'échauffement qu’on travaille en classe. Comment résouds-tu le problème de devoir amener les étudiants à un bon niveau technique ? Est-ce que tu donnes des devoirs techniques précisés et tu les contrôles régulièrement ? ‘‘‘FR :’’’  : Je dirais qu’il faut bien sûr une solide base technique, mais sans être trop dogmatique et risquer ainsi que l'élève ne soit découragé par une somme d'exercices trop importante. Il faut que cela débouche sur quelque chose... Pour ma part, je ne fais pas jouer systématiquement à chaque cours des gammes, arpèges, intervalles, etc. aux élèves, cela dépend des cas. Avec ceux qui ont des lacunes, j'en fais, bien sûr. Je sais qu'en ‘‘‘FR :’’’ ance le travail systématiquement des gammes, des arpèges, tout l’aspect purement technique, occupe une place extrêmement importante. Dans le cas d’un élève débutant, tu le sais comme moi, si on travaille avec un matériel comme la méthode Klosé, c'est encore valable pour les plus doués, mais généralement trop austère. Le matériel a évolué, il est plus progressif, plus attractif, les possibilités de choix sont beaucoup plus grandes. Avec des étudiants professionnels, je fais volontiers, en début de cours, déchif’‘‘FR :’’’ er un ‘‘‘FR :’’’ agment de pièce du répertoire, ou une étude lente, et là je profite de faire des remarques sur la sonorité, le phrasé. En parallèle, si c'est une pièce tonale, je fais travailler des gammes dans la tonalité de la pièce. Je passe généralement plus de temps sur l’interprétation que sur des exercices techniques, qu’il faut surtout faire à la maison, entre les cours. Le risque est évidemment que certains élèves manquent parfois de rigueur dans leur travail personnel si on leur fait trop confiance. En résumé, de façon générale, je ne fais pas systématiquement la même chose avec tous les élèves.

Travailler la technique avec la meilleure qualité de sonorité

Comment fais-tu travailler les gammes ? ‘‘‘FR :’’’  : On peut faire des gammes de 36000 façons (démonstration). Il faut travailler progressivement. Pour commencer, je dirais que pour l’étude des gammes, il faut travailler d’abord par octave. L’important est une grande homogénéité du son, tant au niveau du volume que de la couleur. Que ce soit dans les gammes, arpèges, intervalles et exercices de doigts spécifiques, il est capital de s’écouter, d’observer sa colonne d’air. Les sons doivent être aussi soignés qu’au concert, sinon ça ne sert à rien.

La qualité sonore

‘‘‘HM :’’’: Comment est-ce qu’on peut décrire un bon son ? ‘‘‘FR :’’’  : Personnellement, j’ai été très influencé par l'école « ’‘‘FR :’’’ ançaise ». J'avais au début un son assez typé, clair, style « vieille école ‘‘‘FR :’’’ ançaise ». Après, comme soliste d’orchestre au Musikkollegium Winterthur, j'ai assombri un peu mon son, je l'ai un enrobé davantage. Mais j’ai toujours gardé un son assez timbré, avec du focus. Après quelques décennies, cela a encore évolué, je ne dirais pas que j'ai un son typiquement ‘‘‘FR :’’’ ançais : on m'a dit que c'est un mélange de plusieurs choses. Mais il est resté un fond ‘‘‘FR :’’’ ançais, une certaine légèreté, dans un son que j’aime rond, chaud et plein. Avec mes élèves, j’insiste beaucoup sur la projection du son, qui va découler logiquement d’un bon usage des ouvertures (bouche, gorge), d'un souffle efficace et confortable, à l’aide du diaphragme. On doit être capable de remplir une grande salle avec un pianissimo, de sorte que l’auditeur ait l’impression qu’on est à côté de lui, et non à distance, sur le podium… ‘‘‘HM :’’’: C'est un piano sans bruit… ‘‘‘FR :’’’  : Bien sûr un pianissimo doit être très pur, avec beaucoup d’harmoniques et du focus, et la pression d’air doit partir vraiment du diaphragme.

Un son qui résonne autour d'un noyau

‘‘‘FR :’’’  : Pour que le son soit joli, il faut que les lèvres soient bien positionnées autour du bec, avec un certain tonus musculaire, mais sans serrer. Il y a une dizaine de muscles qui tiennent ensemble. Il ne faut jamais écraser l’anche, seulement la soutenir afin qu’elle vibre de façon optimale. J'utilise beaucoup le terme de « focus » : il faut que le son ait un minimum de centrage. Je prends souvent l'exemple d'un ‘‘‘FR :’’’ uit, avec un noyau assez gros, un avocat par exemple. Donc un son qui résonne autour d'un noyau, qui rayonne à partir du centre. C’est une image. Je fais souvent un dessin, avec un rond noir, et petit à petit ça part en ellipse, comme un escargot : c'est l’image du son qui résonne. Il faut qu'il y ait ce noyau, sinon on a des problèmes d'intonation, on ne sait pas trop si on est trop haut ou trop bas, on a de la peine à s'accorder, le son manque de présence et de couleur, d’élégance aussi. Il est important que le focus soit stable, c’est à partir de là qu’on va construire le son.

Facteurs déterminant la qualité sonore

‘‘‘HM :’’’: Comment travailler la technique de base pour obtenir une bonne qualité sonore ?

Position de la gorge

‘‘‘FR :’’’  : Dans la position de base, on ouvre la gorge pour augmenter le plus possible la cavité buccale, mais sans crispation. C’est comme si on bâillait ! La position sur « ah », la langue un peu rétractée, est un bon repère : il faut vraiment partir là-dessus. Alors le son vient se placer naturellement, il peut s'épanouir. C'est la position de base, je crois que tout le monde est d'accord là-dessus.

Différentes voyelles formées par la langue

Il y a quelque chose d’un peu paradoxal : il faut que la gorge soit ouverte, avec la langue un peu rétractée, et en même temps la langue va devoir travailler, avec son extrémité, à la pointe de l'anche. L'écoute critique du son va aider à positionner la langue correctement. ‘‘‘HM :’’’: On pourrait dire : la langue se positionne et se forme dans un mélange de voyelles ‘‘‘FR :’’’  : On pourrait dire un mélange entre O et U, le voile du palais se rétractant un peu, en même temps, vers l’arrière et vers le haut, comme chez les chanteurs.

…indépendant de l’embouchure

L’embouchure doit se former sans pincer l'anche : ce que j'essaie d'inculquer à mes élèves, quelle que soit leur langue d’origine (car ça a parfois une certaine incidence sur le son) c'est de bien positionner les lèvres, en pensant à la voyelle U.

Les fosses nasales ouvertes

Il est important que les fosses nasales soient un peu ouvertes, encore plus dans le pianissimo. Notamment pour le légato, et dans le cas de certains intervalles difficiles. C’est comme si on allait faire un glissando, les fosses nasales ouvertes, comme si on allait faire "AHHAA", la bouche fermée, pour augmenter encore la souplesse. Mais tout ça sans exagérer, c’est de toute façon toujours l’oreille qui gère.

La morphologie individuelle

‘‘‘HM :’’’: ``Après tous les facteurs variables à contrôler, comme toutes les facettes de l'embouchure, les positions complexes de la langue, l’indépendance de l’embouchure et de la cavité buccale, puis l'angle instrument/corps et les cavités sonores, les résultats sonores diffèrent-ils aussi selon la morphologie individuelle ?`` ‘‘‘FR :’’’  : Absolument. Suivant la longueur des dents, l'inclinaison du menton, ce sera plus ou moins naturel. Il y a des gens qui vont emboucher la clarinette de façon très naturelle. Jacques Lancelot, par exemple, qui avait un menton en « galoche », comme il disait : il posait la clarinette et c'était prêt, il ne faisait rien du tout : il avait la position. D'autres ont des lèvres beaucoup plus épaisses, le menton fuyant, et vont devoir faire l'effort d'un tout petit peu tendre pour avoir un coussin un peu plus tonique. Et encore cela dépend du tissu musculaire.

La respiration

‘‘‘HM :’’’: ``Comment enseigner à créer la pression d’air nécessaire pour la production du son ?``

La colonne d’air : une pression qui doit être efficace

‘‘‘FR :’’’  : Parfois il y a des élèves avancés, en niveau Master, qui n’ont peut-être pas de vraies lacunes, mais qui sont un peu maladroits. Ils gèrent mal certains problèmes. Pourquoi ? Parce que la colonne d'air est mal conçue, mal comprise. Ce qui entraîne une mobilisation musculaire beaucoup trop forte et des crispations. Ce sont souvent des élèves à qui on a dit que le ventre doit être dur, qu'il faut pousser avec l’abdomen, ce qui n'est pas tout à fait faux, mais il y a une trop forte mobilisation qui génère une crispation musculaire : on fait beaucoup d'efforts pour peu de résultats. Donc on va appuyer fortement, en surpression, mais finalement il y a peu de pression effective et efficace qui se donne, car le diaphragme est bloqué.

La gestion d’air

Il y a peut-être encore une chose dont on parle peu : c'est la gestion de l'air. Beaucoup d'élèves me disent : j'aimerais pouvoir respirer ici parce que la phrase est trop longue… C'est qu’ils laissent passer trop d'air au travers du bec, ils se vident inutilement, alors qu'il faut seulement que l'anche vibre, sans gaspillage d’air, c’est tout.

Faire travailler le diaphragme en souplesse

J'essaie d'expliquer que le travail du diaphragme doit se faire en souplesse, sans être bloqué par d'autres muscles : il est simplement aidé par le muscle « transverse » de l’abdomen, attaché à la colonne et aux côtes, qui va aider le diaphragme à monter. Il est important de ne pas crisper l'abdomen, il faut simplement appuyer, mais pas trop, en focalisant la pression, pour simplifier, au niveau du plexus. Disons qu’il faut plutôt « laisser échapper l'air » que de vouloir bourrer, comme avec une pompe à vélo. Je passe beaucoup de temps là-dessus avec les élèves. Il n’est pas toujours facile d’expliquer le travail du diaphragme, muscle qui n’est pas innervé. Souvent les élèves ne savent pas exactement où il est : ils croient qu'il est très bas, alors qu’il est au contraire assez haut, au niveau du sternum. Ce que j'essaie de leur faire comprendre, c'est qu'il ne faut presque rien faire. Si le diaphragme travaille bien, il monte et descend en souplesse, mais sans jamais se bloquer : c'est en voulant « faire » avec différents muscles qu'on le bloque. Le problème, c'est qu'on a une trentaine de muscles qui permettent d'ouvrir la cage thoracique et il faut essayer de simplifier, de travailler le plus possible avec ce diaphragme, qui doit monter et descendre en souplesse, mais sans jamais se bloquer. Comme il n'est pas innervé, il est difficile de le sentir, de dire : "il est là," c'est un peu compliqué… Le plus simple est de penser à appuyer au niveau du plexus, sans rien bloquer.

La conception du souffle : c’est chanter

Cela étant, il y a la conception du souffle. On va souffler comme si on chantait : Cela va donner un son plus libre et plus musical. Avec aussi une projection qui sera meilleure : essayer de chanter, mais sans prononcer la note, c'est « AH », ou « OH », plutôt que « pfff », c'est la base. La différence avec le chant, c'est qu’au lieu de la glotte qui travaille, ce sont les lèvres qui entourent le bec et qui règlent la sortie de l'air. Mais grosso modo, le principe est très proche du chant. En résumé, il faut laisser monter le chant intérieur qui vibre en nous.

La pression d'air en équilibre avec l’embouchure

Après on va donner plus ou moins de pression d'air, ce sera toujours un équilibre entre la pression qu'on donne et la vitesse d’air à la sortie, au niveau de l’embouchure. Plus de poussée du diaphragme et de pression d'air dans un ff, avec plus de passage d’air à la sortie, moins de pression et moins de passage d’air dans un pp. Les lèvres participent à l’équilibre entre la pression du diaphragme et la sortie de l’air. On joue ainsi sur le volume du son et sa couleur, en modulant, en quelque sorte, l’équilibre entre la pression et l’embouchure.

Enseigner le soutien d’air avec des images

‘‘‘HM :’’’: ``Est-ce que tu fais des exercices sans instrument pour obtenir un souffle idéal qui soutient bien la colonne d’air, ou travailles-tu plutôt avec des images ?`` ‘‘‘FR :’’’  : Je prends très souvent l'exemple d'un plateau avec des verres : imaginons un garçon de café portant un plateau avec des coupes de champagne. Il va se promener dans la salle en tenant son plateau. Je leur dis : les bras représentent le diaphragme, qui soutient le plateau, devant être tenu en équilibre. Il ne faut pas que les bras soient raides et crispés, et il ne faut pas non plus lâcher le plateau à cause de bras trop faibles et trop relâchés. Ceci pour expliquer qu’il faut une certaine pression d'air, mais pas trop, et que la colonne d’air doit avoir une certaine souplesse. Le serveur doit pouvoir monter un escalier ou enjamber quelque chose sans tomber, donc il faut que la pression d'air, actionnée par le diaphragme, soit évolutive : Ce n'est pas quelque chose de « dogmatique », mais dans le courant d'une phrase musicale, il y a des moments (cela va dépendre de la dynamique) où la pression évolue, en devenant un petit peu plus forte ou moins forte. Cette pression constante travaille avec des fluctuations, des ondulations, qui dépendent de la dynamique et aussi un peu de la tessiture (plus de pression dans le grave que dans l’aigu).

Moins de pression d’air pour l’aigu, plus de pression pour les sons graves

Il faut savoir que plus on monte dans l’aigu, moins il y a de vitesse d'air à la sortie, et plus la pression est faible au niveau de la bouche. Il suffit de tester : en jouant un f dans le grave, on s’aperçoit qu’il faut davantage de pression et de vitesse d’air que pour un f dans l’aigu. L'air qui est dans la bouche juste avant la sortie est beaucoup moins comprimé dans les sons suraigus. Comme il faut plus de pression pour remplir un son grave, l'air va un peu plus vite, en revanche pour le suraigu, comme il y a un peu moins de pression, l'air ira moins vite. Mais il est important qu'il y ait toujours assez de soutien, même dans un pp. Simplement, dans le cas d’un son pp, on va tenir l'embouchure pour qu'elle ne dégage pas trop de son, donc une tenue un peu plus fermée. Après, c’est de nouveau un équilibre, pour avoir une belle sonorité, entre la pression qu'on donne et ce qu'on laisse sortir au niveau des lèvres. Il faut donc s’écouter et je reviens à ce que j'ai déjà dit : c'est toujours l'oreille qui va guider. Il faut toujours passer par l'oreille. On ne peut pas bien jouer sans s’écouter. Le son sera ainsi musical et évolutif.



HM, Fontaines-sur-Grandson, le 25 août 2017